La réflexion sur la valorisation des produits de la Normande nous occupe bien. Un témoignage qui fait réfléchir :
Que les amateurs de bonne chère
soient rassurés, il n’y aura pas, cet hiver, de pénurie de camembert, de
livarot ou de pont-l’évêque au lait cru. Après un bras de fer de six mois avec
les industriels, les 650 producteurs normands des trois fromages d’appellation
(AOP) ont renoncé à la grève en renvoyant finalement leur déclaration
d’identification (DI) à l’administration.
Les laiteries ont fait un effort
financier mais les éleveurs n’ont pas obtenu de prix minimum garanti. Le prix
du lait d’appellation reste tributaire du lait standard qui monte ou baisse au
gré des cours mondiaux du beurre ou de la poudre. Et en ce moment, ça baisse
dur… Pourtant les fromages normands d’appellation sont vendus quasi
exclusivement aux consommateurs français. Mais les producteurs normands n’ont
jamais eu la main sur leur produit. Ils vendent du lait, pas du fromage.
Le contraste avec leurs collègues de
l’AOP comté est saisissant. Là-bas, la tonne de lait est payée cinq cents
euros, deux cents euros de plus que le lait standard. Dans le Jura ou le Doubs,
où est né l’esprit coopératif, les 2 600 éleveurs de l’appellation contrôlent
150 fruitières, des petites coopératives de production de fromages. Leur credo
? « On vend du comté, pas du lait », répètent-ils. Les fruitières et les
affineurs, leurs clients, négocient tous les mois les prix. Obligés de déclarer
leurs ventes, les affineurs ne confisquent pas la richesse.
Le succès du comté tient aussi à la
« discipline » des éleveurs. Les Jurassiens ont accepté de réguler leur production,
de durcir leur cahier des charges (interdiction de l’ensilage, des OGM). En
Normandie, on n’y est pas encore mais la montée en gamme est en cours. Un
nouveau cahier des charges se profile pour 2017. Les producteurs demanderont à
être récompensés de leurs efforts. Arriveront-ils à peser ? En quinze ans, leur
nombre a été divisé par deux, passant de 1 200 à 650 éleveurs. Dans le Jura,
les éleveurs de lait industriel frappent, eux, à la porte de l’AOP.
Comment faire pour sortir les produits de la Normande de ce marché conventionnel qui détruit la valeur bien plus qu'il la crée ?